Néo-libéralisme(s). Une archéologie intellectuelle", de Serge Audier : un néolib' peut en cacher d'autres
Nota prévia: Nunca se governou sem uma ideologia norteadora que servisse de sistema intelectual de justificação à praxis governativa. Mas casos há em que não há ideologia, não há governo, nem ideia geral de governação. O que há é, apenas, uma obsessão no esbulho generalizado às pessoas e empresas, que consiste, tão só, em impostar grupos de pessoas e empresas para alimentar os desmandos dum Estado macrocéfalo e ineficiente operado por pessoas que não são pessoas de bem. O extremo sul da Europa passa, hoje, lamentavelmente, por esse processo de descalcificação e despolitização global da actividade política, e isso não é só um crime social e político, é também um crime cultural que merece vincada denúncia. Por outro lado, e de forma mais prática, urge perguntar que social-democracia se vive hoje em Portugal? Que Estado regulador e assistencial temos..., quando, na prática, constatamos uma ausência gritante de concorrência entre as grandes empresas a operar em Portugal, com prejuízo objectivo do consumidor. Que regulação faz o Estado na EDP, por exemplo?! Será regulação ou conivência e parte interessada no negócio?! Ou será que a economia nacional, por incapacidade de regulação do Estado, vive hoje uma economia verdadeiramente neoliberal, em que o tubarão come a boga, seguindo uma prática de desregulação em que o Estado só intervém para liberalizar o mercado laboral dos trabalhadores por conta doutrem, mas fica sequestrado perante a regulação da actividade das grandes corporações. Em Portugal esta dualidade tem sido tão gritante quanto nociva às pessoas, às empresas e aos mercados. O resultado tem sido só um: pauperização da economia nacional e dos portugueses.
L'art de la politique repose sur au moins deux principes : connaître aussi précisément ses ennemis que ses amis et savoir jouer de leurs divisions comme de leurs contradictions. L'art d'écrire l'histoire des idées, lui, repose sur au moins trois principes : "faire la chasse à l'anachronisme", comme disait l'historien Lucien Febvre, ne jamais écraser la pluralité des faits et des discours sous une grille explicative univoque, et tâcher toujours de distinguer entre les concepts, les usages et les finalités. De ce double point de vue, Néo-libéralisme(s), le nouveau livre de Serge Audier, apparaît comme un travail incontournable pour tous ceux qui se soucient de comprendre en quoi consiste précisément ce que l'on nomme aujourd'hui, à tort et
à raison, "la" pensée néolibérale.
Cette oeuvre impressionnante de plus de 600 pages, à l'érudition ébouriffante, retrace en effet, en un style toujours clair, l'histoire mouvementée, compliquée, plurielle, des idées et des positions dites néolibérales. Une "histoire" davantage qu'une "archéologie", malgré ce que prétend un sous-titre incongru, tant l'auteur, dans l'esprit comme dans la méthode, se situe aux antipodes de la démarche foucaldienne. Car là où la démarche du philosophe Michel Foucault consistait àmettre au jour les stratifications du présent, il s'agit ici d'une déconstruction radicale de l'unité de la pensée néolibérale que lui supposent la plupart de ses adversaires. Pour Serge Audier, si le néolibéralisme existe, c'est seulement en tant que nébuleuse d'idées tantôt proches (comme l'idée de neutraliser la monnaie ou l'opposition au socialisme), tantôt antagonistes (sur le rôle de l'Etat, de l'individu, des aides sociales, etc.), dans tous les cas, multiples.
Plus précisément, on saura gré à ce livre d'un triple mérite. D'abord, historiquement, Serge Audier détaille comme personne auparavant les attendus et les positions singulières des grands moments constitutifs de la pensée dite néolibérale : le "colloque Lippmann" de 1938, la fondation de la société du Mont-Pèlerin en 1947, ou encore, bien que moins connu, le colloque d'Ostende qui se tient au même moment et fonde l'éphémère "Internationale libérale" sur des bases sensiblement différentes. Ensuite, épistémologiquement, Serge Audier a le grand mérite de montrer combien l'idée d'un seul et unique paradigme néolibéral ne tient pas. Entre l'école autrichienne (von Mises et Hayek essentiellement) défendant un libéralisme déontologique voulant réhabiliter en dehors de toute considération sociale le "laisser-faire", l'école de Chicago (Milton Friedman et Gary Becker) défendant plutôt un libéralisme empirique et prédictif, l'ordo-libéralisme allemand (Alexander Rüstow et Wilhelm Röpke) accouchant d'une "économie sociale de marché" si ambiguë que peuvent s'en réclamer aussi bien la droite que la gauche allemandes, et l'anarcho-capitalisme d'un Murray Rothbard ou d'un David Friedman, aussi terrifiant que décapant, il n'y a pas que des nuances, il y a d'abord des gouffres qui travaillent même au sein de chacune de ces écoles (Gary Becker, par exemple, est à maints égards plus proche de Mises que de Milton Friedman). Enfin, politiquement, ce livre a le grand mérite de rendre à nombre de protagonistes plus ou moins connus de cette histoire leur complexité singulière (Louis Rougier, Walter Lippmann, Walter Eucken, Maurice Allais...), tout en défaisant les identifications comme les oppositions trop rapides : entre libéralisme classique et libéralismes rénovés, entre néolibéralisme et conservatisme, entre laisser-faire et construction européenne, entre libéralisme et absence de tout souci du social et de l'écologie.
Malgré toutes ces qualités, ce livre n'en laisse pas moins subsister un double regret. D'abord, parce que c'est un livre à charge non pas contre le néolibéralisme mais contre la vision dogmatique ou caricaturale qu'en donnent à la fois une certaine gauche et une certaine droite antilibérales. Certes, on ne sauraitreprocher à Serge Audier de corriger nombre d'approximations, voire de pures sottises historico-politiques. Là, il fait oeuvre pie. D'autant que tous ceux à qui il s'attaque vertement, de Serge Halimi ou Frédéric Lebaron en France, à Naomi Klein, David Harvey ou Perry Anderson dans le monde anglo-saxon, ne sont pas des perdreaux de l'année et sauront sûrement, par leur culture de la polémique, senourrir de telles critiques. En revanche, on peut regretter qu'une telle charge constitue l'ossature générale de l'ensemble des chapitres. Ensuite, parce qu'un tel travail de pure déconstruction de l'anti-néolibéralisme laisse béantes les grandes questions politiques qui nous préoccupent aujourd'hui. Et c'est d'autant plus dommage que tout l'ouvrage laisse entendre des réponses fortes et originales : que le néolibéralisme réel (celui initié par les politiques de Thatcher et Reagan) n'est jamais réductible à l'application d'une pensée unique ; que le paradigme néolibéral n'est donc peut-être ni la seule bonne matrice pour comprendre les violences réelles du capitalisme d'aujourd'hui (en termes d'accroissement considérable des inégalités, de destruction des piliers de l'Etat-providence, d'indifférence écologique), ni le meilleur épouvantail à inventer pour les combattre ; ou encore que la liberté économique n'est pas nécessairement incompatible avec une institution forte de la solidarité sociale. En ce sens, ce second regret est plutôt une espérance. Car cet immense travail de renvoi de la pensée néolibérale à son hétérogénéité première ne peut pas en rester là. On attend une suite, avec impatience.
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